Martin Brem La vie Baroque

Depuis longtemps, j’avais envie de vous parler de Martin Brem, un personnage
charismatique comme on en rencontre
peu dans sa vie, comme il en existe peu
dans la « vraie vie ». Je veux dire, hors des soirées parisiennes faisant se
rencontrer
des écrivains, des vrais, des talentueux, des connaisseurs de notre
culture. Parce qu’il s’agit en fait d’un exemple de richesses culturelles et
littéraires. Et cela, je l’avais rapidement compris en faisant sa rencontre
.
C’est totalement par hasard que j’ai rencontré cet écrivain, musicien, amateur
de lettres et de notes, de philosophie, de classiques, de toutes ces choses qu’on
ne nous apprend pas en temps normal au lycée. Parce qu’il y a un programme
à
suivre. Et oui, vous l’avez compris, en fait, M. Brem était mon prof lors de mon
passage au lycée.
Retour vers le futur, j’ai eu envie de relire son œuvre 11 ans plus tard. Je lui
avais demandé une dédicace, et je n’ai pas osé lui dire ce que j’en avais pensé.
A vrai dire, en rouvrant le livre, je ne savais plus du tout de quoi il parlait… et
pourtant je me souviens comme si c’était hier des cours
de ce prof si atypique et
si marquant. Un de ces profs dont on se souvient à l’heure de notre mort !
A la manière d’un personnage de film qui ouvre une porte, comme un
comédien au théâtre ou un avocat qui commence son plaidoyer, M. Brem est un
personnage et sa rencontre a été mémorable. Vivant, vrai, sincère, attachant. Au
début, son entrée vous glace le sang. Vous vous demandez à quelle sauce vous
allez être mangés, vous lycéens sans aucune culture littéraire autre que le
magasine
télé ou les adaptations au cinéma de films avec Léonardo ou avec un
Taxi dedans. Donc, imaginez-le faire son entrée. Vous êtes en classe depuis
quelques heures, et ça y est, c’est le premier contact avec votre
prof de français
pour l’année. Tout se joue ici. Et l’affect est très présent. Si vous aimez le prof,
vous aimerez la matière, … pas vrai ?
Bon alors qu’on imagine bien
le truc. Costume avec cravate, chaussures
assorties. Petite mallette de prof classe et qui semble légère comme une plume
(je me demande comment il faisait, je me trimballe aujourd’hui avec 1 sac à
main, 1 sac fantaisie avec mes copies, marqueurs pour tableau, stylos
prémachés oubliés sur mon bureau par mes élèves, et un sac « prof » avec
manuels, dictionnaire de poche, cahier de texte, carnet de notes et livre pour les
micro-récrés de 3 minutes). Peut-être qu’il était un ange. Comme Joséphine.
Et qu’il claquait des doigts le soir pour rentrer chez lui. Mais non, impossible.
Quand l’auto-école me cherchait après les cours, je voyais cet homme-ange
partir dans sa voiture de luxe (assortie au costume).
L’homme a un charisme qui s’étend comme dans « Under the Dome », qui
rayonne, comme une aura bienveillante avec une envie de partager sa passion
avec vous.
Pédagogie : comme personne.
Programmes
: appliqués avec une certaine prise de liberté, une prise de risques,
une originalité folle.
Passion, connaissances, culture, opinion perso : à 1000%.
Souvenirs de ce prof : presque intacts, à 11 ans d’écart. Un prof qui vous donne
de l’espoir, à l’heure où vous ne savez pas quoi faire de votre
vie, vers quelle fac
vous orienter, ou encore comment traiter l’horrible épreuve du commentaire de
textes.
Heures passées à apprendre les dates et titres des œuvres de la Pléïade et autres
Maupassant ou je ne sais plus qui : des dizaines.
Heures passées à réfléchir à cette citation si chère à notre prof si cher à nos
cœurs : » Je me presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer. » : de
très, très longues heures. J’avais adoré cette dissert, je l’avais gardée des années
en souvenir.
Temps passé à stresser en révisant tous les textes pour l’oral du bac : infini.
Mais avec ce prof c’était bien plus enrichissant et intéressant qu’avec n’importe
quel autre prof. A côté, le plus incroyable des profs est un nul. Le contenu le
plus barbant peut vous apparaître comme tout léger, ça passe. Il vous parle des
pires hommes comme étant des génies. Par exemple, Céline, dans Voyage
au
bout de la nuit ». Il vous parle avec ferveur de certains auteurs qui jusque-là
étaient plus des noms d’immeubles de la grande cité d’Hautepierre que
d’auteurs fantastiques. Il vous explique à quel point la littérature est importante
et qu’il faut vous forger toujours votre propre opinion, écouter votre propre
musique, sans accorder toujours vos violons. Il vous pousse plus loin, sec mais
juste. Il déteste les retards. Tiens, moi aussi, aujourd’hui, je déteste les élèves en
retard. Je me souviens comme il était en rage. Il refermait la porte derrière les
retardataires, le regard noir, figé, la haine d’avoir dû interrompre le début de
son cours
. Mais surtout, sa sincérité et sa capacité à transmettre ont été un
moteur pour moi tout l’année. Une finesse, un discours posé, très travaillé, un
langage immensément riche et des citations illimitées de ses auteurs préférés,
un répertoire qui paraissait inné parmi toutes ses qualités. Révélateur d’un
travail , d’un mode de vie intellectuel et artiste, d’une différence nette par
rapport à d’autres profs, (le commun des mortels), ce passionné des mots aurait
pu éclairer n’importe quel élève décrocheur et l’emmener avec lui dans un
extrait d’Antigone, un petit poème de Lamartine ou encore une lecture suivie
de n’importe quelle oeuvre classique ou romantique.
Qu’en est-il de son roman « La vie Baroque »?
Publié à petite échelle mais publié quand même, vous le trouvez encore sur le
site des éditions La Nuée Bleue, la F..c ou en occasion sur A……..n.
Je l’avais donc fait dédicacer, et j’ai dû le recommander pour le relire,
introuvable… dommage. Je me demande s’il enseigne encore dans notre ancien
bahut. Bref.
Résumé : « Mérédith et Samson forment un couple délicieusement baroque. Elle dispose
d’une belle voix soprano, mais surtout d’une professeur de chant ambitieuse pour deux
qui la transforme en chanteuse professionnelle; lui s’y met par contagion amoureuse et
le voilà contre-ténor. Monteverdi, Glück, Purcell deviennent leur pain quotidien. Mais,
justement, question pain, c’est un peu juste: les salles sont vides, les caisses aussi et il
faut passer par les petits boulots, chef de rayon robes de mariage chez Tatit et agent de
sécurité dans les concerts des banlieues chaudes. Leur amour funambulique en pâtit et
Orphée perd son Eurydice. Rires et larmes, illusions et masques, passion et mort : la vie
baroque est une fête, tendue à l’extrême, qui refuse les compromis avec le réel, au risque
de se perdre. Tout à la fois mélancolique et drôle, ce roman étincelant chante la cruelle
beauté de la vie. »
C’est une romance assez légère et à la fois noire, je ne sais pas trop comment
décrire cela. Il y a une certaine mélancolie dedans, par contre on s’attache très
vite aux personnages principaux. Assez court finalement, le roman se fige un
peu, comme dans une poésie, il y a une vraie sensibilité artistique, et ceci,
même pour quelqu’un qui ne connaît pas l’auteur (j’ai testé avec une
connaissance qui est d’accord avec ce point). Ce n’est pas une volonté je pense
d’étaler ses compétences linguistiques ni quoi que ce soit, juste raconter. L’effet
est réussi, on est « entre parenthèses » ou alors « sur un nuage » pendant ce laps de
temps où on tourne les pages. Dans le récit, on est totalement pris par le milieu
de la musique classique et du chant, qu’on soit sensible à ce monde-là ou pas,
cela passe « comme une lettre à la poste ». Enfin, c’est un livre qui vous ravira si
vous voulez vous changer les idées. Il a une grande valeur pour moi et je vous
le prête sans souci les amis