Le messager du Parc de Cédric Charles Antoine

Londres. Dans un hôpital, un ministre de la Santé en fin de mandat fait une visite officielle.
Le lendemain, les corps de deux journalistes sont retrouvés dénudés, et deux patients de l’unité de soins
psychiatriques manquent à l’appel. Il s’agit d’un homme et d’une femme dangereux. Les médias traitent
l’affaire avec un immense sérieux et les habitants de tout le Royaume sont sur le qui-vive.
Perceloup, dans le Jura. Chris a une vie bien rangée, bien construite, avec une famille et une belle entreprise locale,
exploitant une ressource noble : le bois de la région. Mais il se bat contre lui-même, contre cette part sombre et
angoissée qui le perturbe à chaque instant de sa vie, malgré cette façade d’homme parfaitement comblé qu’il arbore
régulièrement. Serait-ce dû à quelque chose qui a eu lieu durant son enfance ? L’horrible accident de sa sœur
Hélène âgée à l’époque de seize ans ? Au fond, Chris veut tout comme tout le monde : le bonheur de ses proches
ainsi que le sien. Mais il n’arrive pas à rester de glace lorsque sa femme Sophie lui apprend qu’elle a d’autres projets
de vie que lui, ou que son ami et collaborateur Marc ne soutient pas le même avis que lui…
Chris craque et la situation se retourne contre lui.
Un peu plus tard, Chris fait une de ces rencontres bouleversantes, dont vous vous souvenez toute votre vie. Il s’agit
d’un vieil homme, de près de 90 ans, qui vient à lui et lui fait la conversation, à un moment où il ne s’y attend pas. Il
se confie à lui et dit : « Je suis triste de ne pas pouvoir être heureux au milieu de ceux que j’aime ». Je trouve cette
phrase énorme. Très percutante et mémorable, même pour un poisson rouge insomniaque. Et si c’était ça, la
solution aux problèmes de Chris : partir, sur les conseils de cet inconnu qui semble avoir une grande expérience de
la vie.
Et si Chris devait partir vivre sa propre expérience pour mieux revenir dans sa vie « rangée » ? Et s’il pouvait
chercher ailleurs ce moyen de revivre et de s’épanouir seul ?
Chris se décide, il se lance le défi de partir pour 100 jours à l’aventure, totalement au hasard.
Il a une façon particulière de choisir ses destinations.
Le jurassien expatrié à Paris s’en va à la recherche de calme, de nature, de petits villages pittoresques…
Il arrive en Grande-Bretagne et y fait de sympathiques rencontres.
Où que l’auteur auto-édité C. C. Antoine veuille nous amener, nous allons. On fonce, on prend un sac à dos,
on y fourre tout ce qu’on veut, et nous voici prêts à passer à la seconde partie du livre. Voire plus si affinités, et
affinités il y a. Parole d’insomniaque à exactement 1h 49 du matin (je précise qu’un poisson rouge raisonnable ne se
couche pas à des heures si tardives mais que je ne suis pas raisonnable. Mais que si je me couchais je ne pourrais
guère me présenter à mon boulot sans préparations, donc, me voici à cette heure-ci et hop, je passe à la seconde
partie du livre. Voir ce que va faire Chris, avec les idées de ce Messager du Parc.
La balade géographique, historique, et l’aspect plus « roman » voire même « journal de bord » font de ce roman -à
nouveau très surprenant- un roman dont j’ai du mal à définir le genre. Cet aspect me plaît bien.
L’originalité de l’énonciation et la promenade dans le temps rendent le livre plus complexe et d’autant plus
passionnant. On est plus à l’affut de ce qui va se passer, il me semble que c’est ça, le must du roman
d’anticipation… J’aime beaucoup la tournure que prend ce roman pour nous lecteurs. L’auteur parvient avec
justesse à nous rendre complètement fan, sans pour autant oublier le récit et la qualité du texte. Par exemple, en
accélérant certains passages, en s’arrêtant plus longuement sur des anecdotes ou des moments clés qui font avancer
le récit, en décrivant la route, les personnages rencontrés par Chris, ou encore en nous plongeant dans l’esprit de
Chris qui prend plaisir à s’aventurer en Grande-Bretagne mais qui doute tout de même par rapport à sa famille qu’il
a laissée sur Paris…
Quelque soit le personnage principal, dans les livres de cet auteur, on a vraiment très envie de s’identifier, de partir
totalement dans ces univers décalés, parfois pittoresques, perdus au milieu de nulle part, plein de mystère, sans
tomber dans l’incrédulité ni dans le fantastique jeunesse que je ne peux plus lire pour l’instant !
On sent bien que C. C. Antoine ne nous prend pas pour des idiots. Ses livres sont complexes, il nous faut du temps
pour assimiler, pour s’interroger, -ici « Qui est donc le messager du parc, et sur quelle piste va-t-il envoyer Chris? »
et en prenant du recul : « Pourquoi n’allons-nous pas, nous aussi, à la recherche de cette plénitude que recherche
Chris lors de son voyage spirituel? «
le lire en vo serait pour moi une aventure encore plus prenante, tellement le réalisme du livre me plaît. Mais bon,
what else ? Et puis quoi encore ? Okay, je sors, je bois trop de café et j’en veux toujours plus !
Les ingrédients sont toujours très justement dosés : des descriptions du paysage aux dialogues, au récit, en passant
par le bon ton et la bonne quantité d’action et d’aventure, la profondeur de l’écriture, les champs lexicaux utilisés
avec des effets de sobriété, de récit de voyage, de passion, de quête du bonheur, tout est là pour créer une ambiance
très agréable. La curiosité, l’éveil des sens, l’envie de lire sont vraiment exacerbés.
Souvent, le thème de la communion avec la nature revient chez C. C. Antoine. S’y ajoute le thème de la proximité
avec l’histoire. Les personnages semblent impliqués mais c’est comme si le lecteur avait envie de les prévenir d’un
éventuel danger. « Attention à vous ! Non, mais sérieusement… » Le lecteur est donc actif, car « il sait » !
Références que l’on peut y associer : Into the wild, Robinson Crusoé, Seul au monde, L’île du crâne d’Horowitz, Le
dernier jour d’un condamné…
Pour conclure, ce livre n’est pas mon préféré de tous (je penche plutôt entre l’Exil Primitif et Le paradis de Victoria)
mais il tient vraiment ses promesses : humilité, aventure, originalité, suspense. Un lecteur habitué à la plume de
l’auteur se méfie de l’eau qui dort. il sait que les événements déstabilisent le récit, que les chemins tortueux du récit
seront forcément très inattendus voire complètement fous. Je ne peux que vous recommander de les lire tous (ils se
lisent indépendamment les uns des autres).
Chaque phrase a son importance. Quitte à relire les explications plusieurs fois (oui, en ce moment j’ai une mémoire
de poisson rouge, surtout lorsque je commence un livre à 2h30 du matin après avoir corrigé des copies et/ ou
préparé mes leçons ! Le livre avance pas à pas mais ne laissez rien au hasard. Il faut se concentrer sur les petits
détails, c’est comme quand on ouvre un paquet de chips et qu’on ne les apprécie pas, sauf la dernière. Il faut
prendre en compte tous les aspects du livre pour en apprécier la fin qui est toujours époustouflante chez cet auteur.
Croyez-moi, tous ont une fin extraordinairement surprenante, étonnamment folle, sincèrement énorme.