Journal d’un vampire en pyjama de Mathias Malzieu : chronique COUP DE COEUR roman exceptionnel
Posté par bouquinsprlefun le 5 mars 2016
Journal d’un vampire en pyjama de Mathias Malzieu
Vivre dans un « grand peut-être ». Ca doit être ça, connaître le prix de la vie.
Comment expliquer en quoi et à quel point ce livre m’a plu ?
Une armée de combattants disparaît de votre corps. Vous êtes exposé à tous les dangers
sans aucune capacité de répondre par vous-mêmes. Le ciel vous tombe sur la tête, sans
armure, sans prévenir, sans carapace anti-virus, vous êtes là, dans le vent, la pluie, le
froid, contre un énorme rempart à franchir vers la liberté, ou plutôt vers la vie.
Une armée de médecins, d’infirmiers, de gens effrayant avec de grandes aiguilles,
des « harpons » pour vous faire exploser de douleur, des gens qui vous annoncent des
nouvelles absolument effrayantes et angoissantes sans prendre de pincettes.
Votre vie se transforme à jamais et votre incompréhension, votre chagrin laissent place
à tout cet univers médicalisé. Vous devenez un « corps » qui doit se battre et rien d’autre
qu’un corps. Usé, fatigué, vulnérable, qui a besoin des autres pour sa survie. Et qui sait
quel est le coût de la vie.
Vous êtes votre propre maladie. Votre système immunitaire est totalement déréglé, vous
recevez de fausses infos et vous vous détruisez.
Cette information me fait légèrement réagir vu que j’ai passé 25 ans de ma vie à me
détester, à croire que je ne pouvais pas sortir de mon état de célibataire « à vie », trop
triste et trop nulle et trop tout. Alors que la porte s’est ouverte pour moi aussi, pour me
laisser libre de vivre une belle vie. Plus ou moins. Je me permets de faire le
rapprochement car j’ai été mon propre « cancer psychologique ». Pour Dyonisos, ça a été
son corps. Moi, ma tête.
M. Malzieu exprime tellement bien le changement de comportement des gens face à lui
et à sa maladie. Une fois qu’ils savent, tout change. Le relationnel, leur perception, leurs
conversations… c’est tellement vrai.
Je ne pleure pas souvent, en général, parce que ma tête m’a appris à pleurer autrement.
Je ne pleure jamais pour un livre. Jamais. Et pourtant j’en ai lu, des livres. Mais ce livre
m’a vraiment bouleversée. M.M. exprime tellement de choses en peu de mots. Tout le
monde peut s’identifier, et pourtant il est le seul à avoir vécu ce qu’il a vécu. Bien plus
profondément que n’importe qui, il connaît la lutte contre lui-même. Il connaît la
gestion de la douleur, de la peur, la vie dans une prison, la vie dans un corps de vieux, la
vie très près de la mort. Je ne pourrai jamais dire « je sais ce que c’est », et tant mieux
pour moi. Mais je sais ce que c’est que d’avoir peur pour quelqu’un, quelqu’un de 28 ans.
Qui ne mérite pas ce qui lui arrive. Qui ne mérite pas de subir. Et pourtant, il subit.
Alors, ce livre m’a fait pleurer. Non pas par empathie, « oh, le pauvre gars, heureusement
il s’en est sorti ! » Mais plutôt par confusion, avec la prise de recul. Cette impression que
la vie est vraiment, vraiment coûteuse, que si vous voulez faire quelque chose, vivre vos
rêves un jour, il faut le faire immédiatement, sans se poser de questions.
La métaphore de l’épée de Damoclès est absolument excellente. On lit entre les lignes,
une manière de penser au danger, à la situation qui empire, aux idées noires qui passent
par la tête de tout être souffrant et se sachant gravement malade.
Lorsqu’il évoque avec émotion le jour où il chante une chanson sur son état à sa
compagne, c’est là que je me rends compte que cet artiste est non seulement talentueux,
sensible et intelligent, mais qu’en plus, il parle de l’amour comme de la chose la plus
merveilleuse. Et il a raison.
Les titres des petits chapitres sont et resteront incroyablement bien trouvés.
Plein d’humour, d’émotions, qui reflètent bien le livre dans son ensemble en fait.
C’est une espèce de poésie incroyablement solide, profonde et un peu spirituelle aussi.
Quel talent !
Je repense à ce livre de Grand Corps Malade, « Patients ». Je me dis que ces artistes sont
tellement courageux de publier de telles choses, très personnelles, intimes, et de livrer
au grand public leurs bonheurs et leurs malheurs. Certes, cela peut être une thérapie,
mais cela relève du public le plus inconnu, le plus « risqué », celui qui va critiquer très
facilement son récit de vie alors qu’il est … véridique et on ne peut plus près de la
vérité. Criant de vérité, de souffrance et d’humilité.
Je n’écouterai plus Dyonisos de la même façon, c’est certain. Non. Je l’aime encore plus
qu’avant pour sa franchise, son naturel à raconter cette survie, cette lutte incessante
contre Dame Oclès, mais aussi son humour, la beauté de ses phrases, la qualité de ses
descriptions et de son récit tout au long de ce voyage mémorable.
Touchant, poignant, cruel, plein de jeux de mots, d’humour, d’espoir, d’amour, … ce livre
est tout simplement fou. Très intelligemment écrit.
C’est un grand coup de coeur, une claque en plein dans la figure, une vraie leçon de vie.
On n’est jamais à l’abri de rien dans la vie. Alors vivons chaque jour comme le dernier.
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